Qui est la rose du petit prince ?

Le symbole « des femmes » de Saint-Exupéry...
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Qui se cache derrière le personnage de la rose dans Le Petit Prince ? Nombreux sont les lecteurs qui, un jour ou l’autre, se sont posés la question. Antoine de Saint-Exupéry nous ayant habitué à dissimuler derrière des symboles et des métaphores des évènements personnels, nous pouvons à juste titre nous interroger sur l’identité de cette rose.

 

Consuelo Suncin

L’hypothèse la plus évidente consiste à dire qu’il s’agirait de Consuelo Suncin, l’épouse d’Antoine de Saint-Exupéry, d’autant qu’elle a revendiqué ce titre dans son ouvrage Les mémoires de la rose (Plon, 2000).

La rose du petit prince est vaniteuse, coquette, orgueilleuse, menteuse, fragile… (lire notre analyse) mais aussi pleine de bonté. La fragilité de la rose du petit prince, caractérisée notamment par sa toux, rappelle l’asthme chronique dont elle souffrait. Elle pourrait donc correspondre au profil de Consuelo. Cette dernière entretenait un amour conflictuel avec Saint-Exupéry. Antoine et Consuelo venait d’ailleurs de se réconcilier lorsqu’il écrivit ce conte en 1942.

Les trois volcans de la planète B-612 du petit prince rappellent étrangement ceux du Salvador, où Consuelo a grandi.

Consuelo était une femme libérée, aimant fumer, boire de l’alcool, sortir… Elle n’a jamais été l’épouse docile qu’attendait Antoine de Saint-Exupéry, marqué par le modèle maternel. Jalouse, excessive, fantasque, volubile et frivole, elle partage aussi la vie difficile de pilote de nuit de son mari.

Consuelo Suncin femme épouse Antoine de Saint Exupéry petit prince rose

Consuelo Suncin

Le champ de roses qui distrait le petit prince lors de sa visite sur terre et lui fait douter de la valeur de sa rose est l’allégorie de ses nombreuses infidélités, car aucune d’elles n’était sa rose.

Certains éléments peuvent toutefois laisser perplexes quant à l’identité réelle de la rose :

Dans Courrier Sud (1929) et Vol de Nuit (1931), Saint Exupéry utilisait déjà les thématiques de la rose, du puits, de la source, du mouton… thématiques développées dans Le Petit Prince. Or ces premiers ouvrages sont antérieurs à la rencontre de l’auteur avec Consuelo (1931) !

De nombreuses lettres témoignent aussi du fait qu’Antoine surnommait Consuelo mon « papavéracée » (famille de fleurs à laquelle appartiennent les pavots et les coquelicots). Ces plantes désignent certains effets particuliers comme pour désigner une sorte d’ensorcellement, un certain pouvoir que Consuelo avait sur son époux. Et le petit prince précise à propos de sa rose :

« Elle ne voulait pas sortir toute fripée comme les coquelicots »

Ce qui signifie que la fleur de son récit ne désigne pas sa « papavéracée », mais une autre fleur bien plus belle et charismatique. Par conséquent, si la rose ne désignait pas Consuelo à qui faisait-elle allusion ?

 

Marie Boyer de Fonscolombe / de Saint-Exupéry

Certains pensent qu’il s’agit de la mère d’Antoine de Saint-Exupéry, qui reprochait régulièrement à son fils de la négliger au profit de son épouse. À moins d’évoquer un complexe d’Œdipe non dépassé, cette hypothèse ne semble pas crédible car la rose du petit prince incarne plutôt l’amour impossible, contrarié, déchirant.

Marie de Fonscolombe mère Antoine de Saint Exupéry petit prince rose

Marie Boyer de Fonscolombe

 

Nelly de Vogüé

Une hypothèse consisterait à penser que derrière cette fleur pourrait se cacher Nelly de Vogüe, l’une des femmes à avoir énormément compter aux yeux de Saint-Exupéry. Elle fut l’amie intime, la confidente toujours présente. Elle apporta à Antoine une assistance financière et professionnelle ainsi qu’un réconfort affectif pendant ses dix dernières années. Cette femme d’affaire ouvre à l’écrivain bien des portes et négocie efficacement quand il s’agit de financer ses expéditions suicidaires. Cependant, cette relation était bien trop sage et apaisée pour s’envisager sur le mode de l’incompréhension, du caprice et de la fuite. Antoine de Saint-Exupéry et Nelly étaient particulièrement complices. Ils s’étaient apprivoisés.

Nelly de Vogüé Antoine de Saint Exupéry petit prince rose

Nelly de Vogüé et Yvonne de Lestrange avec St-Exupéry

 

 

Sylvia Hamilton Reinhardt

Antoine de Saint-Exupéry rencontre Sylvia Hamilton, une jeune journaliste new yorkaise au début de l’année 1942. Ils nouent une « amitié amoureuse » brève et intense. Antoine passe des après-midi dans l’appartement cossu où il travaille à son livre Le Petit Prince et pour l’illustrer il fait des dessins en prenant pour modèle son chien, ses peluches ou Sylvia elle-même. D’après Sylvia, la célèbre phrase du Renard : « on ne voit bien qu’avec le cœur », lui est adressée.

Lorsqu’il la voit pour la dernière fois avant de quitter l’Amérique en avril 1943, Antoine lui laisse ce qu’il a de plus précieux au monde : son appareil photo ainsi que le manuscrit du Petit Prince (acquis plus tard par la Morgan Library de New York). D’Afrique du Nord, il lui adresse plusieurs lettres. La dernière, peu avant sa disparition, est illustrée de deux dessins représentant le petit prince et le mouton.

La thématique de la rose ayant été abordée dans les écrits de Saint-Exupéry bien avant sa rencontre avec Sylvia Hamilton Reinhardt, il y a peu à parier qu’elle soit la rose du petit prince.

Sylvia Hamilton Reinhardt Antoine de Saint Exupéry petit prince rose

Sylvia Hamilton Reinhardt

 

Louise de Vilmorin

Pour Laurence Vanin, auteure de plusieurs ouvrages consacrés au petit prince, les preuves semblent converger vers Louise de Vilmorin, son amour de jeunesse.

Issue de la bourgeoisie, la famille de Louise n’appréciait guère qu’elle fréquente un simple pilote et considérait Antoine comme un parti peu brillant, car sans fortune. Mais la crainte de Louise était toute autre : elle n’admettait pas que son pilote lui préfère ses avions et redoutait de se retrouver veuve trop vite. Les fiançailles furent rompues au bout de quelques mois (1923), plongeant Antoine de Saint-Exupéry dans une profonde tristesse. Antoine regretta longtemps cette rupture et n’oublia jamais Louise. La coïncidence et les similitudes entre le personnage de Geneviève (Courrier Sud) et la rose du petit prince témoignent de l’affection que Saint-Exupéry n’a jamais cessé d’éprouver pour Louise.

Louise de Vilmorin Antoine de Saint Exupéry petit prince rose

Louise de Vilmorin

Par ailleurs, la rose du petit prince redoute les courants d’air et a peur de prendre froid. Si Consuelo souffrait d’asthme – ce qui n’a aucun lien avec la crainte de prendre froid – Louise soufrait, quant à elle, d’une tuberculose osseuse. Elle devait donc éviter les courants d’air qui risquaient d’intensifier considérablement ses douleurs. C’est pourquoi la rose affirme :

«– Je ne crains rien des tigres, mais j’ai horreur des courants d’air. Vous n’auriez pas un paravent ? »

«– Horreur des courants d’air… ce n’est pas de chance, pour une plante, avait remarqué le petit prince. Cette fleur est bien compliquée… »

 

Conclusion

De tous temps, les écrivains ont souvent décrits sous les traits d’une rose, la femme dont ils étaient amoureux, afin de lui rendre hommage. Antoine de Saint-Exupéry ne dérogea pas à la règle à travers cet énigmatique personnage du Petit Prince qui incarne une féminité complexe et attachante. Cette étude apporte quelques éléments sur la question de l’identité de la rose mais ne prétend en aucun cas détenir une quelconque vérité absolue sur un point où seul Antoine de Saint-Exupéry détenait la réponse.

 

Sources

Laurence Vanin – L’énigme de la Rose (Editions Ovadia, 2013)

Succession Saint Exupéry-d’Agay

La muse et le Petit Prince (lemonde.fr)

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